Témoignages de la libération - hundling
Ci-dessous figure les témoignages de personnes ayant vécu la libération de Hundling le 06 Décembre 1944. Ces témoignages sont issus du Journal de l'année 2004 de Hundling. Vous pouvez apporter vos commentaires ici
Rémi MATHIS:
« Nous commémorons aujourd’hui le 60ème anniversaire de la Libération de notre village. En effet, les Américains sont entrés à HUNDLING le mardi 05 décembre 1944. Avant de nous intéresser à ce jour mémorable, je crois qu’il serait utile de rappeler quelques dates et faits importants. Les Alliés débarquent en Normandie le 06 Juin 1944. Ils peinent pour sortir du bocage normand. Certains historiens considèrent que la bataille de NORMANDIE ne s’achève que le 21 août 1944 avec la fermeture de la poche de la FALAISE. Le 25 août : libération de PARIS. NANCY est libérée le 05 septembre. Dès le 10 septembre, la 3ème armée américaine, commandée par PATTON, se trouve devant METZ. Les Alliés piétinent devant cette ville : du 10 septembre au 20 novembre c'est-à-dire pendant sept semaines ! Pendant, ces sept semaines, nous avons entendu quotidiennement le bruit du canon. METZ est libérée le 20 novembre par la 3ème armée de PATTON. Cette 3ème armée était composée de plusieurs corps d’armée :
- Le 15ème corps du général Wade HAISLIP
- Le 20ème corps du général Walton WALKER
- Le 12ème corps du général Manton EDDY
Ce 12ème corps se composait de cinq divisions :
- deux blindées : la 4ème et la 6ème
- trois divisions d’infanterie : les 26ème, 35ème et 80ème, DIUS
Notre localité est concernée par la 6ème division blindée de Robert GROW et la 35ème division d’infanterie de Paul BAADE. Une remarque : La 6ème division blindée se trouvait le 07 août devant BREST. Elle est le 10septembre devant METZ. Elle a donc traversé toute la France en quatre semaines (plus de 1000 km). Pour aller de METZ à HUNDLING (55km) il lui faut onze semaines ! Ce sont les éléments du 134ème régiment de la 35ème Division d’Infanterie qui pénètrent dans HUNDLING venant de METZING. Presque en même temps, des éléments du « Combat Command A » de la 6ème blindée pénètrent dans HUNDLING par le Nord & le Nord Est ayant fait un crochet par les hauteurs du GRAUBERG. Encore un mot sur l’armée allemande. Notre secteur était tenu, début novembre par quelques éléments de la «Volksgrenadierdivision », mais surtout par la 17ème S.S. Panzergrenadierdivision, appelée « Goetz von Berlichingen » , car elle portait comme insigne de « gant de fer » (Die eiserne Faust) du chevalier Götz von Berlichingen. Cette 17ème S.S. faisait partie de l’élite de l’armée allemande de l’ouest. Elle a créé bien des misères aux alliés. Dès le 7 juin, elle se bat près de SAINT LO. Le 7 juillet, elle occupe toujours la ville de PERIERS dans le COTENTIN. Elle est presque anéantie dans la poche de FALAISE, mais réussit une retraite partielle. Réorganisée, elle défend METZ… Obligée à la retraite, elle se bat encore farouchement à FAREBERSVILLER et sur les hauteurs de CADENBRONN. De nombreux détachements, régiments, bataillons successifs de ces quatre divisions ont stationnée dans notre village et ses environs… » Pour finir, voici quelques renseignements sur les Alliés.
J’ai là une lettre qui m’a été adressée par M. René CABOZ, historien, qui dit entre autres : « Le secteur Ouest de SARREGUEMINES, dont HUNDLING fait partie, a vu passer et stationner les unités suivantes: a) 6ème DB, 12ème corps, 3ème armée
b) 35ème DI, 12ème corps, 3ème armée
c) 103ème DI, 15ème corps, 3ème armée
d) 70ème DI, 21ème corps, 7ème armée
Alphonse WACK :
1944 – 2004 ! Il y a déjà soixante ans ! Plus le temps avance, plus le nombre de témoignages diminue et les souvenirs s’effacent. Notre libération a déjà fait l’objet de plusieurs pages lors de la parution de nos précédents bulletins communaux. Aussi, le 60ème anniversaire nous incite fortement à revenir sur ces événements ayant marqué l’esprit de toute une génération, dont les têtes ont été grisées, voire blanchies par le temps. La majorité de nos lecteurs actuels ignore le rôle essentiel qu’a joué le territoire de notre commune de CADENBRONN lors de cette dernière bataille de chars avant la trêve hivernale ayant gelé le front sur la ligne de BOUSBACH CADENBRONN ROUHLING. Des documents militaires retrouvés en témoignent. Pour arriver sur les hauteurs du GRAUBERG, sur les points 316 « Le GRAUBERG » et 326 « LANGHÖHE », respectivement à l’ouest de NOUSSEVILLER et au nord de CADENBRONN, il aura fallu deux jours de combats acharnés à la 6ème Division US. L’offensive figure aux Archives Militaires sous le nom de « Mont de CADENBRONN Attack ». Durant cette bataille, quinze U.S. Boys ont laissé leur vie et dix tanks « SHERMAN » furent détruits. Le 4 décembre 1944, dernier jour de l’occupation. Comment s’est-il donc passé ? Le matin du quatre décembre un poste de commandement fut installé au 6 rue de la Colline, dirigé par le Général KAPHACKE en personne. Il était accompagné de quelques « Funker » qui manipulaient les appareils « Morse » et les téléphones de campagne, pour organiser et surveiller les dernières opérations de défense ainsi que le regroupement et le retrait de ses troupes. En effet, le front s’approchait inexorablement de nos deux villages. Une mitrailleuse lourde et une équipe de soldats armés de lance-roquettes prirent position derrière les maisons de la rue Saint Michel. Quelques soldats isolés attendaient la venue des Américains pour déposer leurs armes et se rendre. Autour du village se fit entendre un bruit sourd d’activité militaire ainsi que des détonations et déflagrations ininterrompues. Des troupes allemandes se mirent en mouvement, pendant que d’autres installèrent en toute hâte plusieurs batteries d’artillerie. Toute la journée, des obus sifflèrent au-dessus de nos têtes. L’artillerie s’acharnait à pilonner les positions américaines. C’est au crépuscule de cette mémorable journée que prirent fin cinq années d’occupation allemande. L’aigle, symbole du « 3ème Reich », avait pris un sérieux coup de plomb dans l’aile ! Pour retracer ces évènements, nous nous basons sur les « Tagebücher », cahiers journaliers allemands, de la 17ème Panzer-Grenadier-Division « Götz von Berlichingen », qui nous relatent les activités militaires du 4 et 5 décembre. Ces carnets nous décrivent, avec une précision remarquable, le déroulement de la bataille de blindés que se livrèrent les divisions américaines et allemandes sur les hauteurs du GRAUBERG. Ces documents « Top Secret » ne furent rendus publics qu’après l’expiration d’une période de cinquante ans après la guerre. Nos témoignages s’arrêtent à la date du 4 décembre 1944 à quatorze heures trente, heure à laquelle la population s’est réfugiée précipitamment dans les caves pour y trouver une protection dérisoire contre le déluge de feu & d’acier qui commençait alors à s’abattre sur notre village. Que s’était-il passé autour de notre village, durant cette plante. Un témoignage inédit, d’une très grande précision, nous est parvenu d’un des soldats allemands ayant participé à cette bataille. En effet, le soldat Willy SCHLEIFER décrit cette bataille dans un livre paru en Allemagne. Pour lui, les deux kilomètres de terrain situés entre TENTELING et CADENBRONN furent un terrible parcours du combattant, une véritable traversée de l’enfer. Ce libre est pour nous un précieux témoignage inespéré, retraçant les détails de ces heures cauchemardesques vécues par la population terrée dans les caves et totalement coupée du monde extérieur. Le soir du 5 décembre, à la fin de cet accrochage, la colline était jonchée de carcasses fumantes de chars et d’autres véhicules abandonnés sur le champ de bataille. Les chars valides furent retirés derrière le village pour y passer la nuit à l’abri des maisons, dont quelques une étaient incendiées et illuminaient la scène. Le lendemain matin, 6 décembre, les blindés partirent à l’assaut de ROUHLING. Notre village libéré fut alors envahi par une centaine de GI’s qui s’installèrent chez les habitants pour y passer l’hiver. Chaque maison hébergeait quelques militaires ; les libérateurs y installaient à leur gré le poste de commandement des officiers, les hommes de troupe, les infirmeries, les cuisines de campagne, les ateliers de réparations, les dépôts de vivre et de carburant, etc. La sorties strictement limitées. La vie des villageois était rythmée par les occupants. Les « Yankees » étaient bien acceptés par les villageois. Ils vécurent parmi nous jusqu’au printemps 1945. Pour nous la guerre était finie. Le front se stabilisait à quelques kilomètres de chez nous. Mais les vétérans de la guerre 1914-18 se méfiaient de ce calme relatif. Ils nous mettaient en garde contre un retournement de situation : « Attention au fauve blessé. Sa réaction peut être brutale et terrible ». Nous étions donc en première ligne. Cette situation durant jusqu’au printemps. Dans le village régnait une activité fébrile. Plusieurs batteries d’artillerie furent installées autour de l’agglomération. La première se mit en position rue de la colline, dans le verger de l’actuelle maison de la famille ULRICH. Sa demi-douzaine de pièces « canon court », pilonnait les hauteurs de l’arrière front. Cette unité développa une activité très soutenue. Après sont départ, elle laissa sur place un tas de plusieurs centaines de caisses à munitions vides. Une autre était installée à la sortie du village vers ROUHLING, sur le côté gauche. Elle se composait de quatre pièces « longue portée », qui crachaient leur feu sur la ville de SARREBRUCK, dans un bruit assourdissant. Une troisième batterie, composée de plusieurs pièces de gros calibre, était implantée dans la rue des vergers, à une cinquantaine de mètres de l’emplacement des maisons actuelles. Elle était camouflée par des arbres et entourée de camions et d’autres véhicules ainsi que de grandes tentes. C’était un véritable camp fermé, gardé jour et nuit par des sentinelles attentives et par des signes dressés, qui nous chipaient nos bérets au moindre moment d’inattention. Finalement, une pièce unique fut mise en position dans la rue des vergers, à l’emplacement de l’actuelle maison WACHTER. Elle attirait toute notre curiosité par sa taille impressionnante et son long canon de dix mètres, mesurant soixante-dix centimètres de diamètre à sa base .Une fois installé, ce canon fut pointé sur SARREBRUCK. Les obus stockés à côté étaient de vraies bombes. Les desservants de cet engin nous informèrent que le premier coup partirait le lendemain matin à neuf heures. Nous étions sur place, bien avant l’heure, pour participer en première loge à ce spectacle. Ce que nous avons vu ce jour-là dépassait toute notre imagination. Oui, c’était incroyable. Les soldats commencèrent à remplir cette bombe de journaux, de milliers de feuilles de papier et de tracts. L’enfin bien rempli fut introduit dans le canon. Plusieurs sacs de poudre suivirent avant de refermer la culasse. Après quelques vérifications de routine, un grand « BOUM », fit trembler les vitres de tout le village. Julien se souvient : « A l’instant du tir, je me trouvais dans le grenier pour descendre du foin pour la vache. La déflagration me projeta par terre, où je restai un bon moment, l’esprit brouillé et pris d’une grande peur ». Cette bombe était destinée à Sarrebruck. Elle devait exploser au-dessus de la ville pour lâcher cette masse de tracts et de feuilles informant la population et les militaires de la situation actuelle réelle du front et du moral des troupes allemandes. Voici une anecdote, concernant la mise en place de pièces d’artillerie à l’orée du bois vers LIXING, dans un poste avancé au lieu-dit KOSSBERG. Ce matériel était tracté par des camions. Dès l’entrée de la forêt, le chemin de terre, détrempé par la pluie, devint impraticable. Les GI’s firent alors appel à un attelage de bœuf du village pour mettre en place les engins bloqués dans la boue .Mais les pauvres bêtes n’avaient pas plus de forces que les GMC de l’armée. Leurs efforts restèrent vains jusqu’au moment où les troupes allemandes, stationnée sur les hauteurs d’en face, prirent conscience de cette activité. Elles envoyèrent alors sur cette cible une salve de roquettes qui explosa à proximité de l’attelage embourbé. Dans la panique, les bœufs s’emballèrent et, dans un incroyable dédoublement de forces, bondirent en dehors de ces ornières pour ne s’arrêter que derrière les premiers arbres hors de la vue de l’ennemi. Adrien se souvient ; « Notre attelage avait été sollicité à plusieurs reprises pour déplacer des mortiers dans un terrain de première ligne devenu impraticable pour tout véhicule motorisé. J’avais alors seize ans. Moi et mes frères nous conduisons les bœufs. Nous avions toujours très peur quand les obus allemands explosaient autour de nous ». CONCLUSION : Après trois mois de présence et d’intense activité, nos libérateurs nous quittèrent. C’était la fin d’un rêve, d’une aventure formidable pour nous les jeunes de l’époque, alors que pour nos parents c’était la sortie d’un pénible cauchemar qui avait duré cinq ans. Les jeunes générations actuelles ne peuvent guère s’imaginer l’avalanche des événements de toute nature qui s’étaient abattue sur nous durant cette époque pénible et dangereuse des années d’hostilités. Ces souvenirs resteront gravés dans notre mémoire jusqu’à la fin de nos jours…
Hilde WAGNER:
Tout de suite après le débarquement des Alliés en Normandie, les autorités allemandes ont demandé à la population d’aménager des abris en cas d’alerte. Presque tous les jours, des formations d’avions passaient au-dessus de nos têtes pour aller bombarder les villes allemandes. Dès qu’on entendait la sirène de SARREGUEMINES, il était conseillé de se mettre à l’abri. Cette sirène donnait plusieurs indications. Si la sirène indiquait « Alarm », on savait que les avions approchaient. Si la sirène indiquait « Vollalarm », le danger était immédiat et on avait intérêt à se protéger et à aller dans la cave. Très souvent, les avions passaient au-dessus de nous et rien ne se passait. La sirène indiquait alors « Entwarnung », ce qui voulait dire que le danger était passé. Ces hurlements de sirène étaient surtout traumatisants la nuit. Notre cave qui, était très petite, abritait huit personnes. A partir de la mi-novembre, nous étions installés en permanence dans cette cave. Les adultes ne sortaient que pour nourrir les bêtes ou s’occuper des travaux les plus urgents et faire la cuisine. Grand-père Lisi moulait toute la journée du blé pour obtenir une farine. Maman en faisait du pain. C’était donc du pain complet ! Papa et maman dormaient sur un tas de betteraves. Grand-père, Haase God, Lisa, Remi et moi-même dormions sur le tas de pommes de terre. La petit Mariette couchait sur des planches qui recouvraient le fût de choucroute. Nous n’avions pas de courant électrique, pas d’eau courante et vivions dans la peur permanente. Les obus que nous entendions n’étaient pas dangereux pour nous. Grand-père disait : “Dea do, isch widda durch !” Nous avons vécu un moment de panique lorsqu’un obus a éclaté sur notre maison détruisant la moitié de notre toiture ainsi que le toit de notre voisine. Ma voisine et copine à été blessée le 29 novembre 1944 par un éclat d’obus alors qu’elle se rendait aux WC qui se trouvaient dan le jardin. Les Allemands l’ont transportée à l’hôpital de SANKT INGBERT où elle est décédée. Alors qu’on entendait toujours le bruit du canon ou l’impact des obus depuis des semaines, le matin du 5 décembre 1944, brusquement, tout est silencieux. C’était encore plus angoissant. Grand-père a dit à notre père : « Alis, heid passied ebbes ! ». Le seul bruit perceptible est le léger ronflement d’un moteur d’avion d’observation que nous appelions le « coucou ». Brusquement –au début de l’après midi- un feu d’enfer se déclenche. On tire de tous les côtés. Nous n’étions au courant de rien. Notre porte d’entrée était, comme toujours, fermée à clé. Tout à coup, un terrible « tac-tac-tac » se fait entendre. Un Américain avait, avec son fusil mitrailleur, ouvert la serrure de la porte d’entrée. Les balles traversaient la porte de la cuisine et se logeaient dans les marches de l’escalier. Tout le monde hurlait de terreur. Les soldats entrent –fusil braqué- le premier prononce un seul mot : « German ?! » Papa répond –en levant les bras- : « Nicht schiessen… Ne tirez pas… Il n’y a pas d’Allemands dans la maison ! » Les soldats l’ont obligé à faire la revue de toute la maison jusqu’au grenier à foin. Papa marchait devant, un Américain lui braquant le fusil dans les reins. Nous étions tellement bouleversés et aussi très inconscients que nous sommes tous, vieux ou jeunes, sortis dans les rues du village alors que les balles sifflaient encore partout. L’épisode « vivre dans la cave » était terminé. Par contre, notre maison était envahie par une douzaine de soldats américains qui logeaient chez nous. Cela nous obligeait à vivre dans une seule pièce, toutes les autres étant occupées par les soldats. En plus, nos libérateurs nous ont imposé le couvre-feu. Nous n’avions plus le droit de quitter la maison à partir de 17heures. On peut difficilement s’imaginer ce que nous avons vécu pendant cette période. J’avais treize ans, toute ma vie, je garderai le souvenir de ces moments terribles. Je ne souhaite à personne de revivre de tels évènements.
Joseph HAAS :
Fin novembre, mais surtout début décembre, des troupeaux de vaches que les Allemands avaient réquisitionnés, traversaient le village. Puis ce furent des colonnes et des convois de soldats. Parmi eux se trouvaient quelques « Siedler » (familles allemandes chargées de nous germaniser). Les convois étaient formés de voitures, de camions et de beaucoup d’attelages à chevaux. Sur le capot des voitures avait pris place un « louki-louki » (guetteur chargé de détecter les avions américains). Le 4 décembre, vers midi, le mouvement de reflux s’est amplifié, et en début d’après midi, il s’est soudainement accéléré. C’étaient des engins blindés chargés de soldats qui s’y cramponnaient. En nous voyant, quelques uns ont crié : « Der Ami kommt, der Ami kommt ! ». Ils étaient pris de panique. Deux motards de la Feldgendarmerie s’étaient arrêts devant la maison ATZENHOFFER. L’un avait sorti son pistolet pour arrêter les fuyards. Mais voyant que c’était peine perdue, ils se sont enfuis avec les autres. En scrutant l’horizon, nous avons aperçu plusieurs chars sur les pentes du « GRAUBERG » Entre temps, un groupe d’Allemands avaient déplacé le canon antichar installé le matin au coin de la ferme SIEBERT. C’est de cet endroit qu’ils surveillaient la sortie de METZING d’où ils s’attendaient à voir découcher les chars. Ils l’ont mis en position sur la route, devant l’immeuble MEYER, et ont ouvert le feu. J’ai nettement vu les obus traçants partir en ligne droite en direction des chars. Mon père nous a dit : « Vite, à la cave, la riposte américaine ne va pas tarder ! » A peine rentrés, nous avons entendu des explosions. Un soldat SS que j’avais vu devant la porte tenant une « panzerfaust », nous a rejoint, couvert de sang. Après avoir reçu quelques soins, il s’est sauvé en courant abandonnant sa « Panzerfaust ». Nous avons risqué un œil dehors : le PAK avait été pulvérisé. Sur le GRAUBERG, trois chars brûlaient. Un peu plus tard, un groupe de SS a fait irruption chez nous. Ils étaient couverts de poussière et avait l’air hagard. Leur chef avait un bras en écharpe. Après avoir inspecté les lieux et contrôlé l’épaisseur des murs, ils se sont installés dans notre buanderie. Ils venaient de METZING où ils se trouvaient dans une maison atteinte par un obus. Après leur installation, c’était le « va et vient » des « Melder » (estafettes). A la nuit tombante, les chars continuaient à brûler sur le GRAUBERG. Le 5 au matin, les SS avaient disparu. Mon père nous a dit qu’ils avaient reçu l’ordre de leur QG de quitter HUNDLING à 1 H du matin et prendre position derrière le cimetière de RILCHINGEN – HANWEILLER. En début d’après midi, un « piper » (avion d’observation) tournait au-dessus du village et le bruit des chars s’amplifiait. On s’attendait à les voir débouler sur la route en haut de la côte du cimetière. Mais les premiers chars sont descendus du « HULLEN » en renversant les arbres fruitiers. A l’abri des chars couraient les fantassins. Arrivés devant la maison paternelle de MULLER L., ils ont tiré une rafale dans la porte d’entrée qui était fermée. Chez nous, mon père les a accueillis avec une bouteille de « Schnapps » , mais méfiants, ils l’ont fait boire en premier. Puis, ils l’ont fait passer devant eux pour fouiller la maison. Après avoir contrôlé la dernière maison, les fantassins ont grimpé sur des chars qui ont pris la direction d’IPPLING, en envoyant alternativement une rafle de 12/7 vers la forêt à droite et le « DAHLERBERG », à gauche. Ayant fait le tour du village, ils sont revenus. Deux chars se sont retranchés, l’un derrière le poste transformateur EDF et l’autre dans notre jardin, à l’époque la dernière maison du village, les canons tournés vers IPPLING. Entre temps, mon père avait sorti le drapeau tricolore, avec la « Croix de Lorraine » que ma mère avait confectionné clandestinement.
Mariette RISSE:
En 1944, j’avais douze ans. A partir de 1942, début 1943, souvent le jour, mais la nuit aussi, les avions américains passaient très haut dans le ciel avec un bruit sourd, pour bombarder et incendier les villes allemandes. Nous avons eu très peur dans notre rue. A trente mètres de chez nous, vers METZING, les Allemands, depuis 1943, ont installé sur plusieurs wagons la « FLACK ». C’étaient de grands canons antiaériens quatre tubes sur rail (Vierlingsflack). Le 22 septembre 1944, trois maisons ont été en partie incendiées, suite à des tirs de mitrailleuses. Grand-mère et moi étions seules à la maison. Maman et la « God » étaient parties avec mon parrain et ma tante dans le « Tanwit » récolter les pommes de terre. Curieuse, je suis sortie de la cave pour voir les avions qui mitraillaient un train et des maisons de R. RISSE, NICKES et NUSSBAUM. On savait que les Américains se rapprochaient. Grand-père qui était charpentier à commencé à installer des couchettes en vois dans la cave pour poser les matelas. Nous étions dix personnes. Ma cousine Jeanne, ma marraine et mon oncle de FORBACH sont venus et se sont installés avec nous dans la cave. Six personnes sont installées au-dessus des pommes de terre et des betteraves. Mon frère Gilbert sui n’avait que huit ans a eu son lit entre les pommes de terre et les pommes. Le grand-père et la grand-mère ont eu droit à un vrai lit, de même de la « God » un « Einheitsbett » c'est-à-dire un lit à une place. Nous avons mis en place un « Charentaowe », une sorte de cuisinière ronde en fer que nous avons ramenée de CHARENTE en 1940. A partir du 11 novembre 1944, presque tout le personnel enseignant a quitté notre village et les écoles étaient fermées. M. OBERHAUSER nous a expliqué que c’était dangereux et que nous devions rester avec nos familles. Les habitants de HUNDLING et des environs commençaient à vivre dans les caves. Le 25 novembre 1944, nous avons entendu un bruit dans la cuisine. Maman et moi sommes montées et nous avons trouvé des soldats allemands dans la cuisine. Ils étaient assis par terre, ils nous ont dit qu’ils avaient très faim. Alors, mon grand-père et ma grand-mère sont montés et nous avons fait des casse-croûte à ces soldats affamés et nous leur avons donné du café. C’étaient de simples soldats qui étaient contents de voir la fin de la guerre et de pouvoir rentrer chez eux. Ils étaient très reconnaissants et nous ont remerciés. Ils nous ont demandé la direction de la frontière allemande et de SANKT INGBERT. Au cours des jours précédant la libération, le bruit des tirs de canons augmentait. Nous savions que les Américains s’approchaient. Un après midi, un obus a été tiré dans le pignon, a fait un trou dans le mur, est tombé dans la grande, sans exploser. Peu de temps après, les Allemands ont fait sauter les rails de la voie ferrée avec de la dynamite. Au BITSCHBERG, se trouvaient des mitrailleuses allemandes. Elles ont été rapidement déplacées car les Américains n’étaient plus très loin. Le 4 décembre 1944, tout était plutôt calme. On entendait le bruit des chars au loin. Nous avons tous mangé dans la cave. Le lendemain, nous fêtions la « Saint Nicolas », c’était la première fois qu’il n’y avait pas d’assiettes de friandises. Le lendemain 5 décembre, un planeur a survolé le village et tout à coup, on entendait les chars venir de METZING. Plusieurs d’entre eux se sont positionnés derrière la première maison du village. Soudain, nous avons entendu des coups de mitraillette tirés dans la serrure de la porte d’entrée. Les balles ont traversé le couloir et la cave de la porte arrière. Nous n’avons pas bougé et les Américains sont repartis… Vers quinze heures, mon père et ma cousine se sont rendus au village et sont revenus vers seize heures. Ils nous ont informés que les Américains étaient partout dans le village et nous ont apporté du chocolat et pour les hommes des cigarettes. Nous nous sommes agenouillés tous dans la cave et avons remercié la Sainte Vierge de nous avoir protégés durant cette sombre période. Nous sommes sortis de la cave pour retrouver la cuisine. Le lendemain, les Américains se sont installés chez nous dans trois chambres, la cave et la cuisine. Une chambre P.C., une pour dormir et une autre pour célébrer la messe le dimanche, la cave servait de dortoir. Dans la grande, étaient disposées les cuisines. Toute leur alimentation venait d’Amérique. Le capitaine avait un chien qui s’appelait « Schnapsi ». Il était friand de schnapps… A Noël, nous avions un sapin provenant de la forêt communale. Nous avons fêté Noël avec les Américains. Nous avons chanté ensemble « Adeste fidelis » et « Stille Nacth ». Les Américains pleuraient, ils étaient loin de chez eux, et nous aussi pleurions de joie puisque la fin de cette horrible guerre était proche. Nous étions gâtés en chocolat et pain américain (qui était fait de farine, graisse, lait, eau, sel et levure). Ils mangeaient beaucoup de dindes, de poulets. Ils avaient de la confiture d’orange et pour dessert des ananas au jus, de la crème de marrons, de la salade de fruits. Ils nous donnaient du chewing-gum, des barres de « nuts » et du chocolat, mais aussi des couvertures kaki pour confectionner des vestes pour les garçons. Les hommes étaient gâtés s avec des paquets de cigarettes. Les Américains sont partis fin février en nous disant : « Good Bye » et en nous remerciant de l’accueil chaleureux qu’ils ont reçu chez nous. L’école a recommencé début avril, les sœurs sont revenues et les printemps était de retour.
Marie Windstein :
Mon père avait réussi l’exploit d’installer un coin cuisine et des couchages pour huit personnes entre les tas de charbon, de betteraves et de pommes de terre. Dehors, devant la porte de la grange, était postée une troupe de soldats allemands, un gros fusil mitrailleur dirigé sur le village voisin de METZING. Des tirs de fusils s’amplifiaient et se rapprochaient. On a entendu un officier allemand dire à ses troupes : « Que faites-vous encore là ? Vite, il faut partir, nous sommes entourés de soldats américains ! » Mon père est monté à l’étage et il nous a appelés. On regardait par le trou de la serrure pour voir les Alliés arriver. On entendait toujours ces bruits sourds de fusils qui se rapprochaient de notre maison. C’est là que je vis notre voisin, sortir avec un panier de pommes de terre pour leur expliquer que nous étions leurs alliés. Les Américains se sont arrêtés de tirer juste devant notre maison. La libération s’est vite faite dans notre rue, une petite heure leur a suffi. Puis d’autres troupes ont suivi. Ils nous ont apporté plein de victuailles : café, sucre, farine, boîtes de conserves, chocolat et du chewing-gum bien sûr. L’un deux parlait même couramment l’allemand, un plus pour nous : il nous a expliqué qu’il était fils d’immigrés allemands.
Annie BOUR :
La veille de la Libération, les troupes allemandes étaient encore présentes dans le village. Nous habitions une grande maison agricole dont l’armée allemande avait réquisitionné une partie pour y installer un centre pour blessés. La veille de la Libération, ils ont quitté notre domicile sans explication. Ils voulaient même nous laisser un soldat mourant sur les brans, mais on a réussi à le transporter dans l’ambulance. Puis ce fut le calme plat jusqu’au lendemain matin. Nous entendions au loin des bruits sourds. Mon père est monté au grenier et c’est là qu’on a vu des chars rouler en direction de Cadenbronn. A midi, alors que nous déjeunions, les bruits de fusillades étaient de plus en plus proches. Mon père a eu le courage de sortir de la maison et là il a vu devant l’église, un attroupement de soldats américains et il nous appela tous. Il les a invités à habiter notre maison, ils étaient une centaine. En quarante huit heures, notre demeure s’est transformée d’hôpital militaire allemand en quartier général américain. Ils étaient gentils avec nous. On jouait aux cartes avec eux ; ils aimaient bien manger nos patates rôties.